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lement, on m’a mis à la porte du charnier. J’ai voulu m’employer chez les bouchers : j’ai toujours eu du goût pour cet état-là… Ah bien oui ! ils ont fait les fiers ! ils m’ont méprisé comme des bottiers mépriseraient des savetiers. Voyant ça, et d’ailleurs ma rage de chouriner s’étant passée avec mes seize ans, j’ai cherché mon pain ailleurs… et je ne l’ai pas trouvé tout de suite ; alors souvent j’ai fait la tortue. Enfin, j’ai travaillé dans les carrières de Montrouge. Mais au bout de deux ans ça m’a scié de faire toujours l’écureuil dans les grandes roues pour tirer la pierre, moyennant vingt sous par jour. J’étais grand et fort, je me suis engagé dans un régiment. On m’a demandé mon nom, mon âge et mes papiers. Mon nom ? l’Albinos ; mon âge ? voyez ma barbe ; mes papiers ? voilà le certificat de mon maître carrier. Je pouvais faire un grenadier soigné, on m’a enrôlé.

— Avec ta force, ton courage et ta manie de chouriner, s’il y avait eu la guerre dans ce temps-là, tu serais peut-être devenu officier.

— Tonnerre ! à qui le dites-vous. Chouri-