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rouge, voilà les hôtels de ma jeunesse. Vous voyez… j’avais maison à Paris et à la campagne, rien que ça.

— Et quel métier faisais-tu ?

— Ma foi, mon maître… j’ai comme un brouillard d’avoir gouépé[1] dans mon enfance avec un vieux chiffonnier qui m’assommait de coups de croc. Faut que ça soit vrai, car je n’ai jamais pu rencontrer un de ces Cupidons à carquois d’osier sans avoir envie de tomber dessus : preuve qu’ils avaient dû me battre dans mon enfance. Mon premier métier a été d’aider les équarisseurs à égorger les chevaux à Montfaucon… J’avais dix ou douze ans. Quand j’ai commencé à chouriner ces pauvres vieilles bêtes, ça me faisait une espèce d’effet ; au bout d’un mois, je n’y pensais plus ; au contraire, je prenais goût à mon état. Il n’y avait personne pour avoir des couteaux affilés et aiguisés comme les miens… Ça donnait envie de s’en servir, quoi !… Quand j’avais égorgé mes bêtes, on me jetait pour ma peine un morceau de la culotte d’un cheval mort de maladie, car

  1. Vagabondé.