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petite charrette avec son âne, elle me fait bien souvent envie, allez… Je me dis : Elle s’en va dans la campagne, au bon air, dans sa maison, dans sa famille ;… et moi je remonte toute seule dans le chenil de l’ogresse, où on ne voit pas clair en plein midi…

— Eh bien ! sois honnête, ma fille, fais-en la farce… sois honnête ! — dit le Chourineur.

— Honnête ! mon Dieu ! et avec quoi donc veux-tu que je sois honnête ? Les habits que je porte appartiennent à l’ogresse ; je lui dois pour mon garni et pour ma nourriture… ; je ne puis pas bouger d’ici… elle me ferait arrêter comme voleuse… Je lui appartiens… Il faut que je m’acquitte…

En prononçant ces dernières et horribles paroles, la malheureuse ne put s’empêcher de frissonner.

— Alors reste comme tu es, et ne te compare plus à une campagnarde — dit le Chourineur. — Est-ce que tu deviens folle ? Mais songe donc que toi tu brilles dans la capitale, tandis que la laitière s’en va faire la bouillie à ses moutards, traire ses vaches, chercher de l’herbe pour ses lapins, et recevoir une raclée