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dans son récit un seul mot de haine contre la femme atroce qui l’avait martyrisée.

— Eh bien ! après, qu’as-tu fait ? — reprit le Chourineur.

— Ma foi, j’en ai eu assez comme ça. Le lendemain, au lieu d’aller aux vers, je me suis sauvée du côté du Panthéon. J’ai marché toute la journée de ce côté-là, tant j’avais peur de la Chouette. J’aurais été au bout du monde plutôt que de retomber dans ses griffes.

Comme je me trouvais dans des quartiers perdus, je n’avais rencontré personne à qui demander l’aumône, et puis je n’aurais pas osé. Pendant la nuit, j’avais couché dans un chantier, sous des piles de bois. J’étais grosse comme un rat ; en me glissant sous une vieille porte je m’étais nichée au milieu d’un tas d’écorces. La faim me dévorait : j’essayai de mâcher un peu de pelure de bois pour tromper ma fringale, mais je ne pouvais pas ; je n’ai pu mordre un peu que sur l’écorce de bouleau : c’était plus tendre. Par là-dessus, je me suis endormie. Au jour, entendant du bruit, je me suis encore plus enfoncée sous la pile de bois. Il y faisait presque chaud,