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plantait sur le Pont-Neuf. Comme je sanglotais ! et que je grelottais de froid et de faim !…

— Toujours comme toi, ma fille — dit le Chourineur en interrompant la Goualeuse ; — on ne croirait pas ça… mais la faim fait grelotter autant que le froid.

— Enfin, je restais sur le Pont-Neuf jusqu’à onze heures du soir, ma boutique de sucre d’orge au cou et pleurant bien fort. De me voir pleurer… souvent ça touchait les passants, et quelquefois on me donnait jusqu’à dix, jusqu’à quinze sous, que je rendais à la Chouette.

— Fameuse soirée pour une mauviette !

— Mais, voilà-t-il pas que la borgnesse, qui voyait ça…

— D’un œil — dit le Chourineur en riant.

— D’un œil, si tu veux, puisqu’elle n’en avait qu’un ; ne voilà-t-il pas que la borgnesse prend le pli de me donner toujours des coups avant de me mettre en faction sur le Pont-Neuf, afin de me faire pleurer devant les passants et d’augmenter ainsi ma recette.

— Ce n’était pas déjà si bête !

— Oui, tu crois ça, toi, Chourineur ? J’ai fini par m’endurcir aux coups ; je voyais que