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Ne hâtant pas le moment où son protégé ouvrirait enfin les yeux à la réalité, Rodolphe jouissait avec délices de cette stupeur, de cet étourdissement du bonheur…

Il voyait avec un mélange de joie et d’amertume indicibles, que chez certains hommes l’habitude de la souffrance et du malheur est telle que leur raison se refuse à admettre la possibilité d’un avenir qui serait, pour un grand nombre, une existence très-peu enviable.

Certes — pensait-il — si l’homme a jamais, à l’instar de Prométhée, ravi quelque rayon de la divinité, c’est dans ces moments où il fait (qu’on pardonne ce blasphème) ce que la Providence devrait faire de temps à autre pour l’édification du monde : prouver aux bons et aux méchants qu’il y a récompense pour les uns, punition pour les autres.

Après avoir encore un peu joui du bienheureux hébétement du Chourineur, Rodolphe continua :

— Ce que je vous donne vous semble donc bien au delà de vos espérances ?

— Monseigneur ! — dit le Chourineur en