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beau que le vôtre… Je suis sans père ni mère… que demain je tombe malade, comment vivre ? Je dépense ce que je gagne, au jour le jour.

— Ça, c’est un tort, voyez-vous… un grand tort, monsieur Rodolphe — dit la Goualeuse d’un ton de grave remontrance qui fit sourire Rodolphe ; — vous devriez mettre à la caisse d’épargne… Moi, tout mon mauvais sort est venu de ce que je n’ai pas économisé mon argent… Avec deux cents francs devant lui, un ouvrier n’est jamais aux crochets de personne, jamais embarrassé… et c’est bien souvent l’embarras qui vous conseille mal.

— Cela est très-sage, très-sensé, ma bonne petite ménagère. Mais deux cents francs… comment amasser deux cents francs ?

— Mais, monsieur Rodolphe, c’est bien simple : faisons un peu votre compte ; vous allez voir… Vous gagnez, n’est-ce pas, quelquefois jusqu’à cinq francs par jour ?

— Oui, quand je travaille.

— Il faut travailler tous les jours. Êtes-vous donc si à plaindre ? Un joli état comme le vôtre… peintre en éventails… mais ça devrait être pour vous un plaisir… Tenez, vous n’êtes pas raisonnable, monsieur Rodolphe !… —