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moqueries…, les mépris… quand on n’est pas habituée à cela. Oh ! la honte… voyez-vous… j’en mourrais.

Et Bruyère, s’apercevant qu’à ces derniers mots, madame Perrine avait tressailli et la regardait avec une surprise et une curiosité inquiètes, elle se hâta d’ajouter.

— Aussi, dame Perrine… lorsque tout à l’heure le père Jacques m’a dit que peut-être je pourrais connaître ma mère… d’abord ma joie… a été grande… oh ! bien grande… mais bientôt… je me suis dit : Si je découvre ma mère… si je vais à elle… peut-être je la couvrirai de honte… par ma présence ; car enfin sa faute est peut-être restée cachée… oubliée… et c’est moi, sa fille… moi qui la ferais revivre, cette faute, cette honte !… Et pourtant, connaître sa mère… la voir… oh ! dame Perrine… que faire ?… Mon Dieu ! que faire ? Vous voyez bien qu’il faut que vous me conseilliez… Mais qu’avez-vous ?… Comme vous pâlissez !… Vos mains tremblent.

— Ce n’est rien, mon enfant, — répondit madame Perrine d’une voix altérée, en passant la main sur son front brûlant ; — votre émotion me gagne… et puis, si vous saviez… des souvenirs… oh ! quels souvenirs !… Mais ne parlons plus de moi… parlons de vous… Vos hésitations… je les comprends… elles prouvent votre excellent cœur… seulement, dites-moi… comment le père Jacques a-t-il pu vous donner l’espoir de connaître vos parents ?

— Certaines choses qui pouvaient m’aider à connaître le secret de ma naissance, se trouvent, dit-il, cachées dans les ruines du fournil qui est là… sur la berge de l’étang.

— Comment le père Jacques a-t-il appris cela ?

— En songe…

— Un rêve !… ma pauvre enfant… c’est au rêve d’un pauvre vieillard affaibli par les souffrances, que vous ajoutez foi ?

— Ce qu’il appelle un rêve, dame Perrine… est un retour de mémoire comme il en a quelquefois.

— Mais ne vous a-t-il pas donné d’autres éclaircissements ?

— Non, dame Perrine ; après cette révélation, épuisé sans doute, il est retombé dans son morne silence.

— Mais ces objets, qui les a cachés ?

— Lui.

— Comment ont-ils été en sa possession ?

— Une personne inconnue les lui a remis… je n’ai pu en ap-