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CHAPITRE V.

Journal de Martin. — Un esclave n’est pas un homme. — Suites du duel du capitaine Just avec le comte Duriveau. — Régina au bain. — Guérison du capitaine. — Sa première visite à la princesse de Montbar. — Il quitte Paris.

Je retrouve, parmi mes papiers, les fragments d’un journal écrit çà et là, au bout de quelque temps de séjour dans l’hôtel de Montbar.

Ces lignes, tracées sans suite, au jour le jour, rendent cependant un compte sincère de ce que j’ai ressenti de plus poignant, dans la position étrange que j’avais acceptée.

Ce journal embrassant en peu de pages les particularités saillantes de ma première année de service auprès de Régina, conduit ainsi jusqu’à l’accomplissement de grands événements domestiques dans la famille de Montbar, événements qui signalèrent l’époque la plus décisive de ma vie, et se passèrent quatorze mois environ après mon entrée chez la princesse.

Aujourd’hui, j’ai relu ces pages avec le calme d’une froide raison ; plusieurs d’entre elles sont empreintes de cette espèce de volupté âcre, brûlante, ténébreuse comme toutes les voluptés coupables et cachées… Il ressort pour moi de cette lecture même un grave enseignement : c’est qu’il n’y a rien de plus imprudent, de plus téméraire, pour une femme chaste, que d’accepter les services d’un homme dans son intimité domestique.

Ce fait annonce, de la part des femmes, une confiance aveugle dans leur honnêteté, ou un mépris tout aussi aveugle pour ces hommes, (ayant après tout, comme hommes, des passions, des ins-