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temps de cette espèce d’assoupissement, de grosses larmes lui ont coulé des veux.

— Pauvre femme !

— Il y a bien eu quelque chose qui m’a très-intriguée… Madame a fait louer depuis peu de temps une vieille vilaine maison où personne ne demeure, et située rue du Marché-Vieux… du côté de la barrière d’Enfer. Connais-tu cela ?

— Non ; mais qu’est-ce que Madame fait de cette maison où personne ne demeure ?

— Tu m’en demandes plus que je n’en sais…

Un violent coup de sonnette, retentissant dans l’antichambre, interrompit l’entretien de Leporello et d’Astarté.

Leporello alla ouvrir ; le portier de la maison, la figure bouleversée, dit au valet de chambre :

— Mademoiselle Astarté est-elle là ?

— Pourquoi ?

— Il faut que je lui parle absolument, et tout de suite… — dit le portier. Puis il ajouta, pendant que Leporello allait chercher Astarté :

— Ah ! mon Dieu… j’en suis encore tout saisi.

— Qu’est-ce qu’il y a donc, monsieur Durand ? — dit Astarté, en arrivant précipitamment.

— Ah ! Mademoiselle… figurez-vous que tout à l’heure on frappe, je tire le cordon, et je vois entrer dans la loge un grand gaillard à barbe brune et à cheveux presque gris, quoiqu’il eût l’air jeune : du reste pas mal vêtu, si vous voulez, mais une drôle de mine, et avec ça un large bandeau noir sur l’œil gauche. Enfin… une figure… une figure…

— Après, — dit impatiemment Astarté, — après ?

Basquine demeure ici ? — me dit-il d’un ton brusque. — Oui, Mademoiselle Basquine demeure ici, Monsieur, — ai-je dit à ce malotru, pour lui faire comprendre sa malhonnêteté. — Bon, — qu’il me fait, et le voilà à arpenter la cour. Je m’élance après lui. — Monsieur… un moment, on n’entre pas ainsi ; Madame n’est pas visible. — La preuve qu’elle est visible, c’est que je vais la voir, — me répond-il. Et il va toujours. Alors, ma foi, je l’arrête par le bras, et je m’écrie : — Si vous voulez entrer de force dans la maison… d’abord, je crie à la garde… Voilà mon caractère ! — À cette menace, ce diable d’homme a pâli, je l’ai bien remarqué,