Page:Sue - Les misères des enfants trouvés IV (1850).djvu/186

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de concert avec Régina ? s’est-il, au contraire, résigné à partir sans l’avertir ? Je ne l’ai jamais su, je ne m’en suis jamais informé. À quoi bon ?

« Seulement je suis certain… parce que Mme de Montbar me l’a dit, que, depuis quatre mois, une seule fois ils se sont écrit…

« Lorsque j’ai revu ma femme pour lui demander ce qu’elle avait décidé, elle m’a répondu simplement ces mots, que je crois entendre encore :

« — L’essai que vous voulez tenter, Georges, réussira-t-il ? je l’ignore… Si je devais juger d’après ce que je ressens à cette heure… je vous dirais franchement que votre tentative sera inutile… Mais qui peut répondre de l’avenir ?… Je suis maintenant sous l’empire d’un amour profond… exalté… dont je n’ai pas à rougir devant vous, parce qu’il a toujours été pur ; autrement l’essai que vous vous voulez tenter eût été pour vous et pour moi révoltant d’indignité… Je n’ai donc aucun parti pris, Georges. Je vous le répète, si je m’en crois à ce moment, l’amour que j’éprouve doit être éternel… Mais en admettant que, par je ne sais quel prodige, vous parveniez à rallumer dans mon cœur cette tendre affection dont je vous ai donné tant de preuves… je conserverai toujours un doux souvenir d’une liaison aussi élevée qu’elle m’a été chère… et je reviendrai vers vous pour toujours, cette fois… Car vous savez si, avec mon caractère… les bonheurs légitimes me sont précieux… Faites donc que je vous aime encore, Georges, et si vous accomplissez ce miracle… je vous chérirai doublement de m’avoir, par l’amour, ramenée à des devoirs que j’ai méconnus par votre faute.

« Telles ont été les premières paroles de Régina.

« Le véritable amour a en lui une foi si profonde, qu’entendant ma femme me tenir ce langage… je n’ai pas douté de l’avenir.

« Cependant, mon ami, je vous ai dit avec quelle réflexion, avec quelle prudence je me suis tracé la marche que j’avais à suivre.

« Un empressement trop tendre aurait choqué, blessé peut-être le cœur de Régina, son amour pour Just devant être d’autant plus ombrageux, d’autant plus en éveil, qu’elle redoutait peut-être de le voir s’affaiblir ; aussi, afin d’endormir ses défiances, je m’étais d’abord montré avec elle plutôt en ami, en frère… qu’en amant.

« J’avais aussi parfaitement compris que, pour ramener son cœur, il fallait autre chose que des protestations d’amour… Convaincre d’un