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— Mais qui peut vous faire supposer cela ?

— Quand ce ne serait que ce que vient de me dire le vieux Louis ! Le prince a fait demander à Madame si elle pouvait le recevoir ce matin ; voilà, depuis bien longtemps, la première fois que Monsieur viendra chez Madame le matin… et puis… la tristesse de Madame… ses nerfs agacés… Je vous dis, Martin, qu’il y a quelque chose.

Le prince suit mes conseils, ai-je pensé, curieux de voir ainsi se dérouler peu à peu devant moi les événements, que j’avais, pour ainsi dire, préparés pendant la nuit.

— Enfin, — dis-je à Juliette, — s’il y a du nouveau, nous verrons bien…

— Nous serons pour cela aux premières loges. Tout ce que je désire, c’est qu’il n’y ait rien de fâcheux pour Madame ; elle est si bonne !… Enfin, — me dit Mlle Juliette en se retirant, — faites toujours le moins de bruit possible dans la galerie de tableaux.

— Soyez tranquille, Mademoiselle.

 

À onze heures et demie, la princesse m’a sonné.

Elle n’était pas en robe de chambre, comme à l’ordinaire, mais habillée. Elle portait une robe noire montante, qui faisait ressortir encore l’excessive pâleur de son visage abattu. Elle paraissait très-préoccupée, très-inquiète ; elle m’a dit :

— M. de Montbar viendra tout à l’heure chez moi… Excepté pour lui, je n’y suis pour personne, absolument pour personne. Vous entendez ?

— Oui, Madame la princesse.

Et comme je me retirais, elle a ajouté :

— Restez dans le salon d’attente pour veiller à cet ordre, et être là si j’ai besoin de vous.

— Oui, Madame la princesse.

Et je me suis éloigné.

J’avais à peine laissé retomber les portières, que j’entendis Régina s’écrier en se parlant à elle-même :

— Au moins tout va se décider… aujourd’hui.

 

D’après l’ordre de ma maîtresse, je suis resté dans le salon, au lieu de monter m’habiller de noir comme d’habitude, et quitter la