sans transitions, me rendaient plus frappant encore le développement des grâces de sa personne et de sa beauté qui devint éblouissante.
Lorsque Régina eut atteint l’âge d’environ seize ans, la perfection de sa taille élancée, la régularité de ses traits, le charme élégant et fier de sa démarche et de ses moindres mouvements étaient incomparables. Ses trois signes d’un noir d’ébène comme ses cheveux, rendaient plus éclatante encore la transparente fraîcheur de son teint et la pourpre de ses lèvres.
À chaque anniversaire sa physionomie exprimait, non plus une douleur poignante, mais une mélancolie grave et résignée, un profond recueillement… Elle restait quelquefois une heure immobile, son front dans sa main, comme si elle eût opiniâtrement cherché la clef de quelque mystère ; souvent elle paraissait frémir d’une impatience pénible ; un jour, du fond de la cachette où je me blottissais d’habitude, je vis, ensuite d’une de ses longues méditations, une indignation douloureuse contracter ses traits, des larmes couler sur ses joues, et elle s’écria :
— Oh ! ma mère ! ma mère !… je vengerai ta mémoire !…
J’étais entré enfant chez Claude Gérard, j’y devins homme, grâce à ses soins, à sa sollicitude toute paternelle, j’acquis en peu d’années une certaine instruction ; du reste, plus j’y songe, plus je suis émerveillé de la puissance de volonté dont Claude Gérard était doué : malgré des difficultés, des empêchements de toute nature, depuis l’insalubrité presque mortelle de son école, depuis le manque de livres les plus élémentaires, que les parents trop pauvres ne pouvaient donner à leurs enfants, et que lui ne pouvait non plus leur procurer (il suppléait en partie à cette pénurie par des manuscrits imitant l’imprimé qui lui coûtaient une partie de ses nuits), jusqu’à la malheureuse et coupable insouciance des familles et au mauvais vouloir des autorités de la commune, Claude Gérard obtenait généralement des résultats incroyables.