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En devisant ainsi, la fosse avait été complétement creusée ; Claude Gérard venait de sortir de l’excavation, lorsque nous entendîmes au loin un chant funèbre accompagné des lugubres accords du serpent.

— Déjà le corps ! — dit Claude Gérard, — notre tâche a été terminée à temps !

Non loin de la fosse se trouvait un gros cyprès, branchu et rabougri, auprès duquel, par l’ordre de mon maître, je portai notre pelle et notre pioche. De cet endroit, un peu culminant, j’aperçus l’enterrement : il se composait d’un prêtre en surplis, d’un chantre, d’un enfant de chœur et du serpent. Quatre paysans, vêtus de blouses, portaient la bière au moyen de deux traverses, que chacun d’eux tenait par un bout.

Deux personnes seulement suivaient le cercueil… une femme en noir, qui tenait par la main une petite fille, aussi vêtue de deuil. De la distance où j’étais, il m’était impossible de distinguer leurs traits.

Claude Gérard, monté sur le revers de la fosse, regardait le cortège s’approcher avec une profonde tristesse.

— Pauvre créature… — dit-il, — poursuivie… humiliée jusqu’à la fin… Sans son enfant et cette vieille servante… personne n’eût suivi son cercueil.

Le peu de paroles que m’avait dites Claude Gérard au sujet de la mort de cette femme me serraient le cœur. Il me semblait que je n’étais plus tout à fait étranger à ces funérailles, et que j’avais pour ainsi dire le droit de m y intéresser.

Le convoi disparut pendant quelques minutes derrière la haie dont le cimetière était entouré, mais bientôt les chants se rapprochèrent, le cercueil entra dans l’enceinte… les deux personnes qui seules le suivaient me furent d’abord cachées par les porteurs et par le prêtre ; mais, au tournant de l’allée du cimetière, je reconnus Régina… Une femme âgée l’accompagnait.

Sans l’arbre vert au tronc duquel je m’appuyais, je serais, je crois, tombé à la renverse, de stupeur et d’effroi ; heureusement Claude