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tu n’es pas touché de mon offre… suis-les… ne reviens plus… Mais de cruels regrets te puniront un jour, pauvre enfant.

Je restais immobile, le regard fixé sur Claude Gérard, partagé entre l’émotion que me causaient ses paroles, et la crainte de tomber dans un piège.

Étonné de ma stupeur, Claude Gérard reprit :

— Pars… qu’attends-tu ?

— Je n’ose pas… vous voulez peut-être me tromper.

Claude Gérard haussa les épaules, et me dit avec une longanimité angélique :

— Te tromper ?… Comment le pourrais-je ?… Voyons, je te crois assez résolu pour résister à mes menaces si je voulais te forcer à me faire connaître le rendez-vous où tes camarades l’attendent ?

— Oh ! pour cela oui, vous me tueriez plutôt…

— Eh bien !… je te laisse aller seul…

— Et si vous me suivez de loin ?

— Il fait clair de lune, le pays est découvert ; si tu me vois te suivre… tu t’arrêteras.

Ma défiance obstinée ne trouvant rien à répondre à ces objections, je restai muet.

— Allons… — me dit Claude Gérard, — dépêche-toi… il y a trois ou quatre heures que le vol a été commis… tes compagnons, ne te voyant pas revenir, peuvent se lasser de t’attendre… hâte-toi… hâte-toi…

Je l’avoue, quoique pénétré des preuves de compassion, d’intérêt, que me témoignait Claude Gérard, je ne songeais qu’à l’espoir de retrouver Basquine et Bamboche, et de continuer avec eux notre vie vagabonde, s’ils refusaient les offres que je leur apportais.

Je courus vers la fenêtre…

Au moment où j’allais y monter, Claude Gérard m’arrêtant, me dit d’une voix émue en me tendant les bras :

— Embrasse-moi, mon pauvre enfant… que Dieu te conseille et te ramène… soit seul, soit avec tes compagnons.

Je me jetai dans les bras de Claude Gérard sans pouvoir retenir mes larmes, car plusieurs fois, pendant cet entretien, j’avais senti