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— Allons, ne sois pas fâché d’avoir dit la vérité… cela sera peut-être bon pour toi… et pour tes compagnons…

Je regardais l’instituteur avec autant de surprise que de défiance ; il me devina, car il poursuivit avec un accent rempli de franchise et de bonté :

— Tu te défies de moi ; est-ce que j’ai l’air d’un méchant homme ? est-ce que je t’ai maltraité dans le premier moment où j’ai découvert le vol ? est-ce que je te parle avec dureté ? est-ce que je ne te montre pas plus de pitié que de colère, malgré ta mauvaise action ? Et sais-tu pourquoi cela, mon pauvre enfant ? Parce que je crois qu’il y a du bon en toi, parce que je suis sûr que tu n’es qu’égaré, comme le sont peut-être aussi tes compagnons. Voyons… quel âge ont-ils ?

— Basquine a deux ans de moins que moi, et Bamboche deux ans de plus, répondis-je… incapable de résister à la pénétrante influence de Claude Gérard.

— Une petite fille… de cet âge… déjà complice de vol… et ce vol commis par un autre enfant !  ! Oh ! c’est affreux ! — s’écria Claude Gérard. — Malheureuses créatures ! Mais par quelles étranges circonstances vous êtes-vous ainsi réunis tous trois ? Tes compagnons n’ont donc plus de parents ?

— Non, Monsieur…

— Et depuis longtemps peut-être vous vagabondez, vous mendiez ainsi sur les routes ?

— Oui, Monsieur… depuis plusieurs mois.

— Tout à l’heure, tu m’as paru espérer de retrouver tes compagnons, si je te laissais libre… Sans doute vous aviez un rendez-vous convenu ?

— Je n’ai pas dit cela…

— Non, mais cela est presque certain… Tes compagnons, que je n’ai pu rattraper, t’attendent sans doute quelque part dans les environs de ce village ?

— Je vous jure que non, Monsieur, — m’écriai-je, effrayé de la pénétration de Claude Gérard, — et d’ailleurs… quand e saurais où