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Ma première pensée fut que l’on nous poursuivait au sujet de l’incendie de la voiture de la Levrasse, je jetai sur mes deux compagnons un regard consterné.

— Au nom de la loi, je vous arrête, — répéta le garde champêtre en s’avançant vers nous. — Allons, en route chez M. le maire.

— Pourquoi voulez-vous nous arrêter, Monsieur ? — dit Bamboche, le plus hardi de nous trois ; — nous ne faisons pas de mal.

— Vous êtes des vagabonds, — reprit le garde champêtre d’une voix menaçante ; — un vacher ma prévenu qu’il vous avait vus entrer dans l’île… il y a trois jours.

— C’est vrai, Monsieur, et nous n’en sommes pas sortis depuis, — répondit Bamboche.

— Et comment avez-vous vécu ici, alors ?

— Dame… avec des légumes et des fruits que nous avons trouvés là, Monsieur, — répondit Bamboche.

— Trouvés ?… comment trouvés ?… — s’écria le garde champêtre, — mais c’est tout bonnement un vol, ça, mes gaillards. Ah bien ! votre compte est bon… vagabonds et voleurs !

— Un vol ? prendre ce qu’il nous fallait pour manger, — lui dis-je.

— Nous ne croyions faire de tort à personne, mon bon Monsieur, — ajouta timidement Basquine.

— Vraiment, blondinette ? tu croyais cela, toi ? — reprit le garde champêtre. — Nous allons voir si vos parents seront de cet avis-là… quand ils vont venir vous réclamer… ils vous rosseront ferme… et ça sera bien fait… De quel village sont-ils ?

— Nous n’avons pas de parents… Monsieur, — répondit Bamboche. — Et nous ne sommes d’aucun village.

— Comment, pas de parents ? — s’écria le garde champêtre. — Comment, d’aucun village ?

— Non, Monsieur, moi je n’ai plus ni père ni mère. Martin, que voilà, est un enfant trouvé, et Basquine…

— Mais où logiez-vous donc alors avant de venir ici ? — demanda le garde champêtre de plus en plus soupçonneux.