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Nous n’entendîmes plus que le bouillonnement de la petite source.

Ce chant triste, voilé, solitaire, me causa une attendrissement inexplicable.

— Tiens… l’oiseau se tait… — dit Bamboche d’un ton de regret. — C’est dommage, n’est-ce pas, Basquine ?

Notre compagne ne répondit pas d’abord.

— Basquine… est-ce que tu dors ? — lui dit Bamboche.

— Non… — répondit-elle doucement, — je pleure…

— Pourquoi donc ?

— Je ne sais pas… Je n’ai aucun mal, je me trouve bien heureuse là… avec vous deux… Mais j’ai pensé à mon père… à ma mère… à mes sœurs ; alors j’ai pleuré presque sans m’en apercevoir, et ça me fait du bien…

Je m’attendais à ce que Bamboche allait railler ou gronder Basquine ; il n’en fit rien ; il lui dit d’une voix attendrie :

— Pleure, va… c’est quelquefois meilleur… que de rire… et puis… vois-tu ?…

Bamboche n’acheva pas sa phrase, soit qu’il fût trop ému, soit qu’il voulût nous cacher son émotion.

Pendant quelque temps nous gardâmes encore un profond silence.

Bamboche l’interrompit le premier en disant :

— Basquine… si tu ne pleures plus… chante-nous donc quelque chose… puisque l’oiseau ne chante plus.

— Je veux bien, — dit Basquine, — mais quoi ?

— Ce que tu voudras.

La pauvre enfant n’avait que le choix entre plusieurs chansons graveleuses ou obscènes : elle n’en savait pas d’autres.

Elle commença donc de sa voix enfantine, d’une pureté angélique :

Bonjour, mon ami Vincent,
Tu reviens de ton village,
Veux-tu me faire présent
De……