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des avanies… quoi… on nous croit si riches… Avec notre grand train, qui est-ce qui dirait cela pourtant ?

— C’est comme chez nous, dit un chasseur que je reconnus pour l’avoir vu la veille dans la boutique de la Levrasse. — Monsieur le duc a tout fricassé… et il va mettre en gage, chez un usurier, l’épée et les décorations en diamants de son père.

— Filez de là, mes enfants… filez de là.

— Et mes gages ?… — dit l’un, on me doit cinq mois…

— Restes-y un mois de plus, c’est six mois que tu perdras… Tiens, voilà justement les valets de pied du comte Duriveau ; si tu pouvais entrer là… c’est une maison solide comme le Pont-Neuf.

Puis faisant quelques pas vers un des domestiques du comte Duriveau, l’un des deux interlocuteurs lui dit :

— Bonjour, Auguste…

— Bonjour, mon vieux.

— Dis donc, il n’y aurait pas une place de valet de pied chez vous, pour un ami ?

— Chez nous… non… mais je crois qu’il y a une place à l’antichambre de M. le vicomte.

— Le fils de ton maître ?

— Oui.

— Un gamin de cet âge-là ? une antichambre ?

— Ne m’en parle pas, ça fait suer, mais c’est comme ça ; il a un appartement complet, et, pour son service, un valet de chambre, deux valets de pied et sa voiture ; il sort quand il veut, avec ses camarades et son gouverneur… le plus grand farceur qu’on puisse voir. Tiens… à preuve qu’il mène ce soir M. le vicomte aux Funambules : c’est Jacques qui a été louer la loge. Il se peut bien d’ailleurs que M. le comte y aille aussi… Le petit vicomte est à bonne école… allez !!! Il est déjà revenu gris deux ou trois fois.

— Ça commence bien.

— Et méchant, et insolent… C’est égal, j’oublierai jamais la danse qu’il a reçue, il y a plusieurs années, dans la forêt de Chantilly ; c’était des petits mendiants qu’il avait agonisés de sottises, et qui se