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Charles VII : l’étrangeté de l’aventure le frappera ; ne fût-ce que par curiosité, il voudra, je n’en doute pas, voir Jeanne. Il trouve les jours longs dans sa retraite de Loches ou de Chinon ; les agaceries de ses maîtresses sont souvent impuissantes à le tirer de son ennui… la venue de Jeanne sera pour lui une nouveauté.

— Vous êtes homme de bon conseil ; je vais écrire directement au roi et lui expédier sur l’heure un messager. Donc, si sa réponse est favorable à Jeanne, vous êtes toujours résolu de l’accompagner ?

— Plus que jamais.

— Le trajet est long et périlleux.

— Je l’ai déjà parcouru avec le comte de Metz.

— Vous aurez à traverser une partie de la Bourgogne et de la Champagne, occupées par les ennemis.

— Je prendrai seulement avec moi mon écuyer Bertrand de Poulangy, homme prudent mais résolu ; je lui adjoindrai quatre valets bien armés ; une petite troupe passe plus facilement inaperçue. D’ailleurs, ainsi que Jeanne l’a sagement proposé, nous éviterons autant que possible les villes en voyageant de nuit, et nous reposant le jour dans quelques métairies isolées.

— N’oubliez pas que vous aurez à traverser de nombreuses rivières, puisque partout les ponts sont rompus depuis les guerres.

— Nous trouverons toujours quelque bac ; je connais, vous dis-je, la route. D’ici, nous irons à Saint-Urbain, où nous pourrons séjourner sans péril ; mais nous éviterons Troyes, Saint-Florentin, Auxerre, et une fois à Gien, nous serons en pays ami. Nous nous dirigerons alors vers Loches ou Chinon, résidences royales.

— Allons, avouez-le, sire Jean de Novelpont… vous êtes quelque peu féru de la beauté de Jeanne ?…

— Sire Robert de Baudricourt, je suis glorieux d’être le chevalier de l’héroïne guerrière qui peut-être sauvera la Gaule…