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— Ah ! elle attend ma réponse ?

— Oui, messire…

— Eh bien ! la voici… Il faut souffleter à tour de bras cette effrontée folle[1] et la reconduire à ses parents, afin qu’ils la châtient rudement.

— Quoi ! messire ? — s’écria le pauvre oncle, — telle est votre réponse ?…

— Maître Denis Laxart, je vous croyais un prud’homme, vous n’êtes qu’un vieil oison ou qu’un vieux fou !

— Messire…

— N’avez-vous pas honte ! à votre âge ! ajouter foi à de pareilles sottises ! avoir l’impudence de me faire de telles confidences… Mort et furie ! je ne sais qui me tient de… Sortez !

— Messire… ne croyez pas que…

— Hors d’ici ! Par les cinq cents diables de l’enfer… sortez à l’instant, sortez !

Le pauvre Denis sortit tout éperdu.




Le pauvre Denis Laxart sortit tout éperdu, mais plus tard il revint au château de Vaucouleurs ; il revint non plus seul, mais avec Jeanne, inquiet, tremblant à la seule pensée d’affronter encore le courroux du sire de Baudricourt. Jeanne avait tant prié, tant supplié son oncle, de la conduire près du terrible capitaine, qu’il s’était à regret rendu aux instances de sa nièce. Que l’on juge de l’effroi du bonhomme, lorsqu’en compagnie de la jeune fille, il approcha du rideau de cuir masquant l’entrée de la salle où se tenait Robert de Baudricourt. Celui-ci s’entretenait avec messire Jean de Novelpont[2], chevalier, habitant Vaucouleurs, et lui disait continuant une conversation commencée : — Encore une fois c’est une folle, bonne à souffleter…

— Eh ! qu’importe ! si l’on avait pu tirer quelque parti de sa folie !

  1. Procès de condamnation, t. I, p. 67.
  2. Procès de rehab., t. II, p. 70.