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CHAPITRE II.


vaucouleurs
Le capitaine Robert de Baudricourt et Denis Laxart. — L’entrevue. — Le sire de Novelpont. — Jeanne. — L’inspiration. — Départ pour le château royal de Chinon.

Robert de Baudricourt, chef de guerre à Vaucouleurs, homme dans la force de l’âge, d’une tournure martiale, d’une figure dont la rudesse était rachetée par un regard intelligent et pénétrant, se promenait avec agitation dans une salle du château de la ville. Instruit par une récente dépêche de la position désespérée de Charles VII et des dangers que courait Orléans, vivement assiégée par les Anglais, ce capitaine, aussi affligé que courroucé de ces déplorables nouvelles, marchait à grands pas, maugréant, blasphémant, ébranlant le plancher sous le choc impatient de ses talons éperonnés ; soudain un rideau de cuir, qui masquait l’entrée principale de la salle, se souleva et laissa voir à demi le visage timide et effarouché de Denis Laxart, grand-oncle de Jeanne. Robert de Baudricourt, sans apercevoir le bonhomme, frappa du pied, donna un violent coup de poing sur la table où était restée la funeste dépêche qu’il venait de relire encore et s’écria :

— Mort et furie ! c’en est fait de la France et du roi !

Denis Laxart, à cette exclamation furibonde, n’eut pas le courage d’aborder en ce moment le terrible capitaine, referma prestement le rideau, derrière lequel cependant il resta, attendant pour se présenter un instant plus opportun ; mais le courroux de Robert redoubla, il s’écria en frappant de nouveau du pied :

— Malédiction ! tout est perdu !

— Non, messire !… non, tout n’est pas perdu ! — dit résolûment le bon Denis surmontant ses craintes, mais demeurant néanmoins