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vaincus… mais à la course. Les plus agiles de la bande s’égrenaient çà et là à la poursuite de l’ennemi ; et, haletants, essoufflés, harassés, tombaient sur le chemin ; Urbain et deux ou trois autres des plus acharnés s’attachaient toujours aux pas des fuyards, à l’exemple de Jeannette ; celle-ci, en proie à une exaltation vertigieuse, ne s’occupait plus de ses soldats, ne voyait rien autour d’elle, attachant son regard étincelant sur un groupe d’Anglais qu’elle apercevait au loin et voulait atteindre ; il lui semblait qu’alors sa victoire serait complète. Mais les fuyards ayant beaucoup d’avance, elle désespérait de les rejoindre, lorsqu’en courant elle avise, paissant benoîtement dans un pré, un bon âne, indifférent aux hasards des combats ; agile et robuste comme une fille des champs, d’un bond elle saute sur le grison, le talonne, le pousse devant elle à grands coups de quenouille, l’excite de la voix, et le force de prendre le galop. Il se livre d’autant plus allégrement à cette allure, que la direction vers laquelle on le poussait était celle de son écurie ; il dresse les oreilles, lâche une joyeuse ruade qui ne désarçonne pas Jeannette, et court sus aux Anglais, qui, par malheur pour eux, suivaient le chemin de son étable. Ils n’avaient point songé, dans l’ardeur de la fuite, à regarder derrière eux ; mais entendant tout à coup les pas d’un animal galopant à leurs trousses et les cris victorieux de la bergerette, ils se crurent poursuivis par le diable, et de peur de quelque horrible apparition, ils se jetèrent à genoux les yeux fermés, les mains jointes, demandant grâce et miséricorde.

Jeannette, sautant à bas de l’âne, le laissa continuer sa route, menaça de son innocente quenouille ceux qui se rendaient à sa merci, et leur dit d’une voix vibrante et animée :

— Méchants ! pourquoi vous dire Bourguignons et Anglais, puisque nous sommes de France ? C’est contre l’Anglais qu’il nous faut aller… Hélas ! il nous fait si grand mal !…

Ce disant, la bergerette, en proie à une émotion indéfinissable, fondit en larmes, ses genoux vacillèrent, elle tomba sur l’herbe à côté