Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 9.djvu/37

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lons au château de l’Ile. Nous passerons avec notre chariot et notre bétail dans le bac… Notre sœur a raison !

— Votre sœur est folle ! — reprit le laboureur en frappant du pied. — Les Anglais sont à Saint-Pierre, ils y mettent tout à feu et à sang !… aller là, c’est nous jeter dans la gueule du loup !

— Mon père, ce n’est pas à craindre ! — répondit Jeannette ; — les Anglais, après avoir brûlé ce village, l’auront abandonné. Il nous faut plus de deux heures pour nous y rendre ; nous prendrons la vieille route de la forêt, nous ne risquerons pas de rencontrer l’ennemi de ce côté. Nous pourrons passer le bac… et nous réfugier au château.

— C’est juste, — dirent les deux garçons ; — une fois le mal accompli, ces brigands s’en vont, laissant les ruines derrière eux.

Jacques Darc parut ébranlé par le raisonnement de sa fille. Soudain, l’un des deux garçons s’écria, montrant au loin les premières clartés d’un nouvel incendie beaucoup plus rapproché de Domrémy :

— Voyez… Jeannette ne s’est pas trompée ; les Anglais ont abandonné Saint-Pierre, ils s’approchent d’ici par le chemin de la plaine, ils brûlent tout sur leur passage ; ils viennent de mettre le feu au hameau de Maxey !…

— Que Dieu nous soit en aide ! — reprit le laboureur. — Sauvons-nous et tâchons d’atteindre le château de l’Ile en suivant la vieille route de la forêt. Jeannette, cours à l’étable, rassemble tes brebis ; vous, mes fils, allez à l’écurie atteler nos deux vaches au chariot ; Isabelle et moi, nous transporterons les paquets dans la cour, pour les charger sur la voiture, tandis que vous vous occuperez de l’attelage… Vite, vite, mes enfants, avant deux heures, les Anglais seront ici… Hélas ! si jamais nous rentrons à Domrémy, hélas ! nous ne trouverons plus que les cendres de notre pauvre maison !…




La famille Darc n’avait pas été seule à s’apercevoir des ravages noc-