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pu m’échapper, — ajouta Denis Laxart. — Une de leurs bandes parcourt la vallée, mettant tout à feu, à sac et à sang sur leur passage !… Fuyez, fuyez !… emportez ce que vous avez de plus précieux… Le hameau de Saint-Pierre n’est qu’à deux lieues d’ici ; les Anglais viendront peut-être cette nuit à Domrémy… Je cours en hâte à Neufchâteau rejoindre ma femme et mes enfants, qui, depuis quelques jours, sont dans cette ville, chez une parente. Fuyez ! il en est temps ; sinon, avant deux heures, vous serez massacrés !… fuyez !…

Ce disant, Denis Laxart, éperdu, remonte à cheval, part à toute bride, laissant Jacques Darc et sa femme stupéfaits, terrifiés de l’invasion des Anglais ; car, jusqu’alors, ils ne s’étaient jamais approchés de la paisible vallée de la Meuse. Les fils du laboureur, éveillés en sursaut par les coups violemment frappés à la porte et par les éclats de voix de Denis Laxart, s’étaient vêtus à la hâte ; ils accoururent dans la chambre de Jacques Darc.

— Mon père, est-il donc arrivé quelque malheur ?

— Les Anglais ! — reprit Isabelle, livide d’effroi ; — nous sommes perdus ! mes pauvres enfants, c’est fait de nous !

— Le village de Saint-Pierre est en feu ! — s’écria le laboureur ; — voyez là-bas, au bord de la Meuse, vers le château de l’Ile, voyez ces grandes flammes ! Dieu nous soit en aide ! notre contrée va être ravagée comme le reste de la Gaule !

— Mes enfants, — dit Isabelle en courant vers deux coffres, — aidez-moi à rassembler ce que nous avons de plus précieux et sauvons-nous !

— Poussons nos bestiaux devant nous, — ajouta Jacques ; — si les Anglais s’en emparent ou les tuent, nous sommes ruinés ! Ah ! malheur à nous ! malheur à nous !

— Mais où fuir ? — dit Pierre, l’aîné des fils ; — de quel côté nous sauver, sans risquer de tomber entre les mains des Anglais ?

— Mieux vaut encore rester ici ! — reprit Jean. — Il ne peut nous arriver pire qu’en fuyant ; et nous tâcherons de nous défendre.