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frère isambard de la pierre. — La justice séculière aura son cours, si ladite Jeanne refuse d’abjurer une seconde fois.

Vous le voyez, fils de Joel, de la délibération de ces prêtres, il résulte que les uns veulent le supplice immédiat, et les autres, plus nombreux de quelques voix, sont d’avis d’exiger de Jeanne Darc une seconde abjuration, généralement convaincus, d’ailleurs, de l’inutilité de cette tentative, sachant par leurs complices que l’héroïne est invinciblement résolue de chercher dans le supplice l’expiation d’aveux d’abord arrachés par la crainte ; ainsi lorsqu’il s’agit, quelques jours auparavant, d’infliger la torture à l’accusée, les plus charitables de ces ministres du Seigneur se prononcèrent contre les tortures, sous ce naïf prétexte : « qu’il suffisait des aveux précédents de Jeanne pour la condamner au bûcher. » Ils pouvaient donc, cette fois encore, faire impunément montre, ainsi qu’ils le disaient, de la miséricorde inépuisable de leur tendre et sainte mère l’Église. L’évêque Cauchon, plus net et plus franc, certain d’avance du succès de son argumentation (il connaissait son monde), l’évêque Cauchon résumant la délibération, s’oppose énergiquement, absolument, à ce que l’on tente d’amener une seconde fois la relapse à contrition : la plupart de ceux-là mêmes qui se déclarent partisans de cette mesure ne la regardent-ils pas comme illusoire ? alors, à quoi bon la tenter ? Et lors même que l’on serait certain d’obtenir de la relapse une seconde abjuration, elle produirait un effet déplorable. N’avait-on pas vu, lors de la première admonestation, le populaire et les soldats, exaspérés de la clémence du tribunal, crier à la trahison et prêts à se soulever ? Voudrait-on affronter, provoquer de terribles agitations dans la cité ? L’Église n’avait-elle pas prouvé une fois de plus sa maternelle charité en admettant ladite Jeanne à la pénitence, malgré son hérésie endiablée ? Comment cette mansuétude avait-elle été accueillie ? Par un redoublement de jactance, d’audace et d’impiété ! L’évêque Cauchon termine en adjurant ses très-chers frères, au nom de la dignité de l’Église, au nom de la paix de la cité, au nom des plus graves inté-