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jeanne darc, bravant ses juges d’un regard intrépide. — Mes voix me disaient qu’il serait criminel de renier l’inspiration divine qui m’a toujours guidée !… (Mouvement des prêtres.) Mes voix me disaient jusque sur l’échafaud : « Réponds hardiment, sincèrement, à ce prêcheur… c’est un faux prêtre !… » Malheur à moi ! je n’ai pas écouté mes voix !

Les prêtres gardent pendant un moment le silence et échangent des regards expressifs ; Thomas de Courcelles reprend lentement :

— Voici des paroles aussi téméraires que coupables !… Quoi ! après avoir abjuré, vous retombez dans vos erreurs damnables ?

jeanne darc, d’une voix éclatante. — L’erreur, c’est de mentir… et en abjurant, je mentais !… Ce qui est damnable, c’est de damner son âme… et je la damnais en ne soutenant pas que j’avais obéi à la volonté du ciel !… Oh ! mes voix m’ont assez reproché d’avoir abjuré par crainte du bûcher !

jacques camus. — Ainsi, après avoir repris vos habits d’homme, premier crime, crime irrémissible… il vous constitue relapse… revolvatis ad vestrum vomitum… vous retournez à votre vomissement, vous osez soutenir derechef que ces prétendues voix…

jeanne darc.— Ce sont celles de mes saintes… elles viennent de Dieu ! 


thomas de courcelles. — Mais, sur l’échafaud, vous avez avoué que…

jeanne darc. — Sur l’échafaud, j’avais peur du feu… j’étais lâche ! je mentais !

jacques camus. — Et à cette heure que vous croyez n’avoir plus à redouter le supplice, vous…

jeanne darc, inflexible. — À cette heure, je soutiens que la peur seule m’a forcée d’abjurer, d’avouer le contraire de la sainte vérité ! J’aime mieux mourir que de rester dans cette prison ! J’ai dit… vous n’obtiendrez plus un mot de moi.


jacques camus, d’une voix lugubre. — Ainsi soit-il !…