Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 9.djvu/312

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Hors d’ici, vieux tonsuré !… au diable sois-tu, enragé trouble-fête !

— Pauvre et sainte fille ! — s’écrie le prêtre en s’éloignant, — je vous ai rapporté vos vêtements !… Reprenez-les, malgré votre serment juré sur les saints Évangiles… On vous condamnera peut-être comme relapse ; mais mieux vaut souffrir la mort que le dernier outrage !

La porte du cachot se referme sur le chanoine ; Jeanne Darc reste seule.


Vous le voyez, fils de Joel, elle s’est déroulée lentement, ténébreusement, et de point en point, la trame infernale ourdie par l’évêque Cauchon et le chanoine Loyseleur dès avant le commencement du procès intenté à Jeanne Darc :

« — Faire d’abord condamner l’accusée sur ses propres aveux, provoqués par un adroit conseiller ;

» Obtenir ensuite d’elle l’abjuration de ses erreurs, lui accorder la vie au nom de la maternelle douceur de l’Église ;

» Et enfin amener la pénitente à commettre un acte de relapse, et sur ce… la brûler sans miséricorde… »

Les cheveux vous dressent d’épouvante en songeant à ces horreurs, jusqu’ici inconnues ! à ces horreurs accomplies au nom du Tout-Puissant et de son Église éternelle !…

Dieu juste ! penser pourtant que tout a été employé par ces prêtres contre cette pauvre et innocente jeune fille, la gloire de la France ! l’honneur de l’humanité entière ! Oui, tout a été employé par ces prêtres, tout… le mensonge, le faux serment, la scélérate hypocrisie, la confession sacrilège, le poison, et enfin… le viol !… Ah ! c’est que là était le dernier nœud de la trame ! La tentative de viol obligeait infailliblement l’héroïne à revêtir ses habits d’homme, dans l’espoir de se mieux défendre contre de nouveaux outrages. Or, le seul fait de