Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 9.djvu/308

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

chambre, les vieilles se lèvent, vont s’enquérir de la personne qui frappe ; c’est leur révérend père en Dieu, le chanoine Loyseleur ; il désire à l’instant parler à l’héroïne. Elle revêt ses habits de femme, se prépare à recevoir le prêtre, éprouvant toutefois à son égard un ressentiment d’amertume, songeant que ses raisonnements subtils l’avaient amenée à abjurer, seul moyen d’échapper aux épouvantables ignominies dont on la menaçait avant son supplice ; cependant, elle réfléchit qu’après tout ce pauvre prêtre croyait sans doute la conseiller dans son intérêt, et que seule elle était coupable et responsable de sa lâche apostasie. Accueillant donc avec sa douceur habituelle le chanoine Loyseleur, Jeanne apprit de lui, ce dont elle fût surprise, qu’elle se trouvait encore prisonnière dans le château de Rouen ; mais, quoique condamnée à un emprisonnement éternel, elle serait, selon les promesses de l’évêque, bientôt mise en liberté, mesure retardée jusqu’alors par plusieurs causes : d’abord l’état de défaillance de la patiente à la suite de la scène expiatoire ; puis, telle était la féroce exaspération des soldats anglais et des gens du parti bourguignon contre la Pucelle, de qui ces méchants voulaient la mort, qu’un soulèvement terrible aurait éclaté si l’on n’eût promis à ces furieux qu’elle finirait ses jours dans un cachot. Mais le prélat, ajoutait le chanoine, fidèle à sa parole, n’ayant plus d’ailleurs aucun intérêt à retenir plus longtemps Jeanne prisonnière, puisqu’elle avait si heureusement pour elle échappé au bûcher en reniant ses erreurs, l’évêque la ferait nuitamment délivrer le lendemain ou le surlendemain. Enfin, c’était à lui, Loyseleur, à ses supplications auprès du capitaine du château, qu’elle devait sa translation dans cette chambre ; mais, hélas ! les sentiments d’humanité ne duraient guère chez les cruels Anglais, le capitaine exigeait que sa captive, à peu près revenue à la santé, fût reconduite le matin même dans son cachot ; mais elle en sortirait prochainement et pour toujours, grâce à une évasion certaine, habilement préparée par les soins de l’évêque.

Jeanne Darc, cette fois encore, dut ajouter foi aux paroles de ce