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La France, perdue par une femme, sera sauvée par une vierge des marches de la Lorraine, d’un bois chesnu venue.

Ou bien encore :

Oh ! que de sang ! il jaillit, il coule à torrents… il fume et, comme un brouillard, monte vers le ciel, où gronde la foudre, où luit l’éclair !… À travers ces foudres, ces éclairs, ce brouillard sanglant, je vois une vierge guerrière. Blanc est son coursier, blanche est son armure ; elle bataille et bataille encore au milieu d’une forêt de lances, et semble chevaucher sur le dos des archers !

Et puis l’ange de lumière remettait la couronne royale aux mains de la guerrière, qui couronnait son roi au milieu des cris de joie et des chants de victoire !

Chaque jour, regardant des yeux de son esprit vers les frontières de la Lorraine, sans voir apparaître la vierge libératrice, Jeannette en vain suppliait ses bonnes saintes, sainte Marguerite et sainte Catherine, d’intercéder auprès du Seigneur Dieu pour le salut du gentil dauphin, dépossédé de son trône… en vain elle les suppliait d’obtenir la délivrance de ce pauvre pays de France, depuis tant d’années la proie des Anglais ; demandant ainsi au ciel avec ferveur l’accomplissement de la prophétie de Merlin, prophétie vraisemblable aux yeux de Jeannette, depuis que Sybille lui avait raconté les exploits de ces vierges guerrières venant des mers lointaines du Nord sur leurs vaisseaux et assiégeant Paris ; ou bien encore les vaillances de la comtesse Jeanne de Montfort, se battant comme une lionne pour défendre son lionceau ; ou bien enfin les actions héroïques de ces Gauloises des anciens temps, qui accompagnaient à la bataille leurs époux, leurs fils, leurs pères et leurs frères !

Jeannette atteignit les approches de sa quatorzième année, âge auquel les natures robustes, saines, fortement développées par les salubres fatigues de la vie rustique, entrent d’ordinaire dans la période de la puberté. Dès lors, sur le point de devenir jeunes filles, elles éprouvent en ce moment, si grave pour leur sexe, des anxiétés sans