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en les reniant par peur de la mort ! Lâche ou menteuse, voilà le jugement qu’ils portaient, qu’ils devaient porter de Jeanne Darc. Vous le voyez, fils de Joel, la trame infernale des prêtres était habilement ourdie ; ils éteignaient la pitié même dans le cœur des partisans de l’héroïne ! Celle-ci, toujours agenouillée sur l’échafaud et pliée sur elle-même, son visage caché entre ses mains, semble étrangère à ce qui se passe autour d’elle ; accablée par tant de terribles émotions, son esprit se trouble, sa seule pensée lucide est d’échapper, par une abjuration aveugle, aux tortures prolongées qu’elle endure. Le silence se rétablit.

l’évêque cauchon se lève, tenant un parchemin, et dit. — Jeanne, tu vas répéter du cœur et des lèvres, à mesure que je la prononcerai, la formule d’abjuration suivante ; écoute… (Il lit d’une voix éclatante.) « Toute personne qui a erré dans la foi catholique et qui, depuis, par la grâce de Dieu, est retournée en la lumière de la vérité et à l’union de notre sainte mère l’Église, se doit garder d’une rechute provoquée par le malin esprit, et de retomber ainsi en damnation ; pour cette cause, moi, Jeanne, vulgairement appelée la Pucelle, misérable pécheresse, reconnaissant avoir été liée par les chaînes de l’erreur, et voulant revenir à notre sainte mère l’Église catholique, apostolique et romaine ; moi, Jeanne, afin de prouver que je reviens à ma tendre mère, non par feinte, mais de cœur, je confesse, premièrement, avoir très-grièvement péché en donnant mensongèrement à croire que j’ai eu des apparitions et révélations de par Dieu, sous les figures de sainte Marguerite, sainte Catherine et saint Michel archange. » (S’adressant à Jeanne Darc.) Confesses-tu avoir, en cela, menti fallacieusement ? avoir été impie et sacrilège ?

jeanne darc, brisée. — Je le confesse !

Une explosion de cris, poussés par la foule indignée, succède à la confession de la repentie ; les plus furieux sont ceux qui ressentaient pour elle la plus tendre pitié.

— Ainsi, tu mentais !