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et à soutenir. Je m’en rapporte à eux… je me soumettrai à tout ce que l’Église ordonnera de moi… grâce !

(Elle reste agenouillée, ployée sur elle-même, et cache, en sanglotant, son visage entre ses mains.)

l’évêque cauchon, avec un feint élan de charité. — Oh ! mes très-chers frères, le beau jour ! le saint jour ! le glorieux jour ! que celui où l’Église, dans sa maternelle allégresse, ouvre les bras à l’une de ses enfants, repentie après de longs égarements ! Jeanne, ta soumission sauve ton âme et ton corps ; répète avec moi la formule d’abjuration…

(Il fait signe à l’un des greffiers, qui lui apporte un parchemin où est écrite d’avance la formule d’abjuration.)

De violentes rumeurs éclatent dans la foule ; les soldats anglais et les gens du parti bourguignon, irrités de voir la Pucelle échapper au supplice, s’emportent en imprécations contre ses juges, ils accusent l’évêque et le cardinal de trahison, menacent de brûler leurs maisons ; les chefs anglais partagent l’indignation de leurs soldats. L’un de ces capitaines, le comte de Warwick, sortant de l’enceinte où ils sont réunis, monte précipitamment les degrés de l’estrade, et, s’approchant du prélat, lui dit tout bas d’un ton courroucé : — Évêque ! évêque ! est-ce là ce que tu nous as promis ? — Patience, donc ! — répond le prélat à voix basse ; — je tiendrai ma promesse. Mais calmez vos hommes ; ils sont capables de renverser l’échafaud et de nous assommer !

Le comte de Warwick, connaissant assez Pierre Cauchon pour se fier à sa parole de sang, quitte l’estrade, rejoint ses compagnons d’armes, leur communique la réponse de l’évêque ; et ils vont de rang en rang, s’efforçant d’apaiser la colère des soldats en leur assurant que la sorcière sera brûlée, malgré son abjuration. Cette abjuration consterne d’abord ceux qui s’apitoyaient sur le sort de Jeanne Darc ; puis ils s’indignent contre elle. Si elle renie ses visions, elles étaient donc feintes ? elle mentait donc en se disant envoyée de Dieu ? Si elles étaient vraies, elle se déshonorait par une honteuse lâcheté