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rémonie expiatoire. Jeanne Darc consentit à tout, se disant : — Demain, je serai libre, et j’aurai échappé à une ignominie pire que le supplice !

Voilà pourquoi, fils de Joel, l’on a dressé dans le cimetière de l’abbaye de Saint-Audoin ce vaste échafaud, où bientôt Jeanne Darc sera conduite, afin de prononcer son abjuration…

À quoi bon, demanderez-vous, cette abjuration ? Quoi ! l’évêque Cauchon et ses complices ont condamné Jeanne au supplice, et ils abandonneraient volontairement leur proie ?

Abandonner leur proie ?… Non, non… Écoutez, voyez, jugez et frémissez, fils de Joel ; jamais ne fut tramée machination plus diabolique…

La foule impatiente attend l’arrivée du cortège. Le peuple de Rouen, depuis près d’un demi-siècle sous le joug de la domination anglaise, appartient en majorité au parti bourguignon, et voit dans Jeanne Darc une ennemie ; cependant, le grand renom de la guerrière, sa jeunesse, sa beauté, ses malheurs, sa gloire, éveillent un profond sentiment de pitié pour elle chez ceux qui sont restés Français ou du parti armagnac. Mais l’on ne sait encore dans quel but Jeanne Darc doit être processionnellement amenée sur cet échafaud ; les uns disent qu’une exposition publique précédera le supplice auquel sans doute elle est condamnée ; d’autres, ignorant la marche et la sentence de ce ténébreux procès, prétendent qu’elle doit être interrogée publiquement. William Poole, le comte de Warwick et d’autres Anglais, chefs de guerre ou personnages éminents, sont groupés dans un espace réservé en dedans du cimetière, à proximité de l’échafaud.

Soudain une rumeur, d’abord lointaine, puis croissante, annonce l’arrivée du cortège ; la foule se presse et devient plus compacte aux abords du cimetière. La procession s’approche, escortée par des archers anglais. À sa tête marchent le cardinal de Winchester, revêtu de la pourpre romaine ; l’évêque de Beauvais, mitre d’or en tête, crosse d’or en main, et sur les épaules chasuble de soie violette étin-