bourreaux, elle, prisonnière ? subissant le droit de la force ? elle, vendue à prix d’or ? elle, convaincue de son innocence, elle, enfin, l’élue du Seigneur ? Non, non, concluait le chanoine, une promesse faite à ses bourreaux afin de se soustraire à d’abominables ignominies et aux horreurs du supplice ne pouvait lier l’innocente victime.
Jeanne demandait quelle était cette promesse, — et le prêtre de répondre qu’il s’agissait simplement d’abjurer, de renier, en apparence, les erreurs que le tribunal reprochait à la condamnée ; enfin, de se soumettre… toujours en apparence… au jugement de l’Église.
Ce mensonge révoltait la conscience de Jeanne : renier la vérité… c’était renier Dieu…
— Oui, mais des lèvres, seulement des lèvres, et non du cœur — poursuivait le tentateur. — C’était céder à la violence, c’était parler momentanément le langage des bourreaux, langage fallacieux, perfide, et, grâce à cette légitime fourberie, leur échapper, conserver ainsi à Dieu son élue, à la France son espoir et sa libératrice ! C’était renier de la bouche, tout en continuant de glorifier du fond de l’âme, de nobles actes inspirés par le ciel.
— Mais promettre d’abjurer à condition de recouvrer sa liberté, c’était s’engager à abjurer, — répondait Jeanne, ébranlée par les sophismes du tentateur.
— Eh ! qu’importait cela ? — reprenait-il ; — oui, qu’importait d’abjurer, d’abjurer même publiquement ? de s’agenouiller devant l’évêque et de lui dire des lèvres : « — Je le confesse, mes apparitions, mes révélations étaient des illusions ; j’ai péché en prenant l’habit d’homme ; j’ai péché en guerroyant ; j’ai péché en refusant de me soumettre au jugement de l’Église ; je m’y soumets, à cette heure, et, je l’avoue, je regrette mes péchés… » — Qu’importaient ces vaines paroles ? Est-ce qu’elles partaient du for intérieur, refuge sacré de la vérité chez les opprimés ? Est-ce que le Seigneur, qui seul lit le secret de nos pensées, ne lirait pas dans l’âme de Jeanne au moment même où elle feindrait d’abjurer : « — Mon Dieu ! toi pour