tous, en présence de Dieu et des hommes, s’agenouiller aux pieds de l’évêque Cauchon, et là, les mains en croix sur la poitrine, elle abjurera ses erreurs passées, reniera ses visions, reniera ses révélations, reniera sa foi, sa gloire, son patriotisme ; enfin se soumettra, humble, contrite, repentante, au jugement souverain de la sainte Église catholique, apostolique et romaine…
Quoi ! Jeanne, hier encore, malgré l’épuisement de son corps, si fière, si résolue dans ses réponses à ses accusateurs ? Quoi ! Jeanne, qui s’écriait :
« — Le bûcher serait là… le bourreau serait là… je répéterai jusqu’à la mort : oui, j’ai dit la vérité… oui, Dieu m’a inspirée… oui, Dieu est mon seul juge, mon seul maître !… »
Quel inconcevable changement s’est donc opéré dans cette âme, naguère si ferme, si convaincue ?
Quel changement ? Le voici, fils de Joel ; écoutez, écoutez…
L’héroïne, après sa sentence prononcée la veille par l’évêque Cauchon, a été rapportée dans son cachot ; l’exaltation fiévreuse qui la soutenait en présence de ses juges a fait place à un profond abattement, mais elle est résignée au supplice. Le chanoine Loyseleur, autorisé, dit-il, par le capitaine de la tour à apporter les dernières consolations à la condamnée, vint la visiter ; elle accueillit le prêtre avec reconnaissance. Instruit du sort de Jeanne, il fondait en larmes, il gémissait, il se lamentait, s’appesantissant sur les horribles détails du supplice que sa pauvre chère fille en Dieu allait, le lendemain, subir ; ces détails, il les devait au capitaine anglais, il les lui avait donnés, ce méchant Anglais, avec un raffinement de cruauté, connaissant le touchant intérêt que lui, Loyseleur, portait à la prisonnière. Affreux détails ! Jeanne Darc serait conduite au bûcher seulement vêtue d’une chemise, non pas d’une chemise de femme, selon le vœu suprême de la victime, parce que cette chemise serait plus longue, mais vêtue d’une chemise d’homme ; et ce n’était rien encore… aussi, le chanoine, connaissant la sainte pudeur de sa chère fille, se