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elle avait, pauvre fille des champs, remporté d’éclatantes victoires sur les ennemis de la France… Où était le mensonge ? la témérité ? la jactance ?

le chanoine maurice. — « Quatrièmement, Jeanne, tu as dit que tu étais certaine de savoir certaines choses de l’avenir ; que tu avais reconnu ton roi sans l’avoir jamais vu.

» Jeanne, l’Église te déclare en ceci convaincue de présomption et de sorcellerie. »

Jeanne Darc, sans s’arrêter à l’imputation de sorcellerie, qui lui semblait insensée, soupira tristement, se rappelant sa première entrevue à Chinon avec le gentil dauphin de France, alors que, venant vers lui, apitoyée par ses malheurs, dévouée à la royauté, Charles VII, l’accueillant d’abord par de misérables bouffonneries, lui imposait ensuite, à elle si chaste, un infâme examen, puis la renvoyait devant un concile de prêtres du Christ réunis à Poitiers, qui, frappés de la sincérité de ses réponses, l’avaient déclarée divinement inspirée… Et voici que d’autres prêtres, parlant au nom du même Christ, la traitaient de sorcière !…

le chanoine maurice. — « Cinquièmement, Jeanne, tu as dit que, par le conseil de Dieu, tu as porté et continues de porter des habits d’homme, courte tunique, chausses nouées avec des aiguillettes, capeline et cheveux coupés en rond à la hauteur de l’oreille, ne gardant enfin sur toi rien qui dénote ton sexe, sauf ce que la nature trahit ; tu as, avant d’être prisonnière, plusieurs fois reçu la sainte Eucharistie sous le costume masculin ; et malgré tous nos efforts pour te faire renoncer à ce costume, tu t’obstines à le conserver, prétendant agir par le conseil de Dieu.

» Jeanne, l’Église te déclare en ceci blasphématresse de Dieu, contemptrice de ses sacrements, transgressesse de la loi divine, de l’Écriture sainte et des sanctions canoniques ; l’Église te déclare enfin mal agissante, errante dans ta foi et idolâtresse à l’exemple des gentils… »