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jeanne darc. — Hélas ! je le désire de toute mon âme ; car je me sens mourir.

l’évêque cauchon. — Alors, soumettez-vous à l’Église militante.

jeanne darc. — Je sers Dieu de mon mieux… j’attends tout de lui, rien de personne ! 


l’inquisiteur. — Encore une fois, si vous refusez de vous soumettre à la sainte Église catholique, apostolique et romaine, vous serez abandonnée comme hérétique, et condamnée par sentence judiciaire à être brûlée.

jeanne darc, exaltée par sa conviction et l’horreur que lui inspirent ses juges. — Le bûcher serait là, je ne répondrais autrement !…

l’évêque cauchon. — Jeanne, ma chère fille, votre endurcissement est exécrable… Quoi ! si vous étiez devant un concile composé de notre saint-père, des cardinaux et des évêques, et qu’ils vous enjoignissent de vous soumettre à leur décision…

jeanne darc, l’interrompant avec une douloureuse impatience. — Ni pape, ni cardinaux, ni évêques, ne tireraient de moi autre chose que ce que je vous ai déjà dit !… Ayez donc merci d’une pauvre créature !… Je me meurs !… (Elle retombe défaillante sur la paille.)

l’évêque cauchon. — Vous soumettriez-vous directement à notre saint-père ?…

jeanne darc. — Faites-moi conduire vers lui, je lui répondrai.

l’évêque cauchon. — Ce que vous dites est insensé… Persistez-vous à garder vos habits d’homme ?

jeanne darc. — Je prendrais robe et chaperon de femme pour me rendre, si je le pouvais, à l’église, afin d’y recevoir le corps de mon Sauveur ; mais de retour ici, je reprendrais mes habits d’homme, de peur d’être outragée par vos gens.

l’inquisiteur. — Une dernière fois, prenez garde ; si vous persistez dans vos coupables erreurs, notre sainte mère l’Église, malgré sa miséricorde infinie, sera forcée de vous livrer au bras séculier, et ce sera fait du salut de votre âme et de votre corps.