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vélations. » Jeanne, ayant en effet vu, entendu ces choses, en apparence surnaturelles, durant ces hallucinations, fut inébranlable dans ses affirmations ; conseillée autrement, peut-être, cédant à l’effroi du bûcher, effroi souvent chez elle insurmontable, eût-elle consenti à employer dans ses réponses ce correctif accepté par l’Église : j’ai cru voir, j’ai cru entendre… Elle échappait ainsi à une condamnation sur ce point capital ; mais raffermie par les conseils du chanoine dans la voie de la vérité, s’y renfermant rigoureusement, elle donnait ainsi contre elle des armes terribles. Ce n’était pas assez ; ses bourreaux voulaient, en multipliant les causes de condamnation, légitimer leur sanglant arrêt, et ils le pouvaient, selon les lois de l’Église, en convainquant Jeanne d’hérésie. Or, elle s’avouait hérétique au premier chef en récusant, selon le conseil de Loyseleur, le tribunal ecclésiastique et ne voulant reconnaître d’autre juge que Dieu… Ce conseil, comment ne l’aurait-elle pas suivi ? Il répondait aux habituelles aspirations de son âme ; depuis son enfance, elle rapportait tout à Dieu ou à ses saintes, croyant plus à elles qu’aux prêtres, se sentant plus de foi dans le Créateur que dans ses créatures, fussent-elles revêtues d’un caractère sacré ; jamais, au temps de son adolescence, malgré sa fervente piété, elle n’avait confié le secret de ses visions ou de ses projets, même à son confesseur, le curé Minet. Elle devait donc, en raison de la nature de son esprit, de ses sentiments, de ses croyances, et surtout de sa méfiance envers ses juges, les récuser ; elle devait, convaincue de son innocence et de leur méchanceté, en appeler d’eux à Dieu, son divin maître, persuadée, d’ailleurs, qu’elle échapperait ainsi à un nouveau piége.

Donc, ce jour-là, le chanoine s’est rendu près de Jeanne Darc, afin de la maintenir dans la résolution qu’il lui a inspirée ; il y est aisément parvenu ; et après avoir entendu la confession générale de Jeanne, lui avoir prodigué de paternelles et consolantes paroles, il se dispose à la quitter, appelle le geôlier à travers le guichet, toujours ouvert. John paraît ; il éconduit le prêtre avec une feinte brutalité,