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blâme de ma bouche ?… Vous, l’inspirée du Tout-Puissant !… Non, non, une généreuse indignation m’emportait contre ces nouveaux pharisiens qui conspirent votre mort, comme leurs prédécesseurs des anciens temps conspiraient la mort de Jésus, notre Rédempteur !… Mais le temps me presse, revenons au procès… Je suis clerc en théologie, je sais comment procèdent les tribunaux semblables à celui devant lequel vous devez paraître ; je connais votre vie, la voix glorieuse de votre renommée m’a instruit de vos nobles actions.

jeanne darc, avec abattement. — Ah ! si j’étais restée à coudre et à filer auprès de ma pauvre mère… je ne serais pas à cette heure en danger de mort !

le chanoine loyseleur. — Allons, fille de Dieu ! pas de défaillance ! Le Seigneur ne vous a-t-il pas dit, par la voix de ses saintes et de son archange : « — Va, fille de Dieu ! va au secours de ton roi… tu délivreras la Gaule !… »

jeanne darc. — Oui, mon père.

le chanoine loyseleur. — Ces voix… vous les avez entendues ?

jeanne darc. — Oui, mon père.

le chanoine loyseleur, avec insistance. — Vous les avez entendues des oreilles de votre corps ?

jeanne darc. — Aussi bien que j’entends votre voix en ce moment, mon père.

le chanoine loyseleur. — Ces saintes… vous les avez vues ?

jeanne darc. — De même que je vous vois.

le chanoine loyseleur, radieux et avec expansion. — Ô chère fille ! tenez ce langage, d’une adorable sincérité, devant le tribunal ecclésiastique, et vous êtes sauvée !… vous aurez évité le piège infernal qui vous est tendu !…

jeanne darc. — Que voulez-vous dire, mon père ?

le chanoine loyseleur. — Écoutez-moi bien. Si pervers, si inique que soit ce tribunal de sang, il est, après tout, composé d’hommes revêtus du caractère sacré ; ils ont un certain respect à garder envers