comme relapse ; nous l’abandonnons au bras séculier, qui la livre au bourreau. De sorte que, les apparences de la charité ecclésiastique ainsi sauvées, tout l’odieux du procès retombera sur Jeanne.
le chanoine loyseleur. — Ce projet est excellent ; mais comment arriver à sa réussite ?
l’évêque cauchon. — Je vous le dirai tout à l’heure ; parlons d’abord des preuves flagrantes d’hérésie qu’il est nécessaire de trouver dans les réponses de Jeanne. Un exemple vous précisera ma pensée. Cette fille prétend avoir vu des saintes et des anges, entendu des voix surnaturelles ; or, aux yeux de l’Église et de ses saints canons, Jeanne n’a point qualité suffisante et reconnue pour converser et commercer avec les bienheureux du paradis ; donc, aux yeux de l’Église, les visions et apparitions de ladite Jeanne, au lieu de procéder de Dieu…
le chanoine loyseleur. — … Procèdent directement du démon… preuve flagrante que ladite Jeanne est invocateresse de diables… partant sorcière… partant digne du fagot !
l’évêque cauchon. — Un instant… là est un écueil…
le chanoine loyseleur. — Quel écueil, monseigneur ?
l’évêque cauchon. — L’Église, vous le savez, admet un correctif en ce qui touche l’aveu des choses surnaturelles ; le tribunal se trouverait ainsi empêché de condamner la Pucelle sur ces faits, si, par malheur, au lieu de dire affirmativement : « J’ai entendu des voix, » elle disait : « J’ai cru entendre des voix. » Cette forme dubitative ferait tomber à néant ce chef d’accusation, si important ; or, je crains que, soit par instinct de conservation, soit qu’on l’ait endoctrinée d’avance, Jeanne, donnant à ses réponses cette forme dubitative et non point affirmative, ne nous crée ainsi et très-perfidement à ce sujet un obstacle insurmontable… Me comprenez-vous ?
le chanoine loyseleur. — Parfaitement, monseigneur. Mais comment arriver à ceci : que Jeanne, au lieu de dire : « Je crois avoir entendu des voix, » dise affirmativement : « J’ai entendu des voix ? »
l’évêque cauchon. — Rien de plus simple… Il faut qu’un con-