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mais ici se présentait une grave difficulté… Les capitaines anglais, fiers et imbus des principes de la chevalerie, auraient considéré comme une lâcheté d’occire purement et simplement leur prisonnière, qui les avait vaincus à force de génie militaire ; car ils ne sont point de ces stupides qui attribuent ses victoires à la magie ; ils craignaient donc, en faisant tuer Jeanne dans sa prison, d’encourir le mépris de tout ce qui porte des éperons et une épée. Alors, qu’avons-nous fait, le cardinal de Winchester et moi ?… Eh ! pardieu ! nous leur avons dit ceci : — « Non, vous ne pouvez, vous chefs de guerre, lâchement égorger une guerrière tombée entre vos mains par le sort des armes ; mais l’Église peut mieux que cela… l’Église doit, à la première requête de la sainte Inquisition, procéder contre une sorcière, une invocateresse de démons, la convaincre de sorcellerie, d’hérésie, et la livrer au bras séculier… qui la brûle.. »

le chanoine loyseleur. — C’est le droit et le devoir de l’Église catholique.

l’évêque cauchon. — Et elle en usera… car aussitôt la Pucelle livrée au bûcher comme sorcière, les terreurs des soldats d’Angleterre s’évanouissent, ils reprennent courage et avantage, le pouvoir d’outremer, à cette heure gravement ébranlé en Gaule, se raffermit. La Trémouille continue de nous servir, dans l’espoir d’obtenir le Poitou pour domaine, l’armée anglaise reconquiert tout ce qu’elle a perdu dans ces derniers temps, s’empare des seules provinces qui lui restaient à envahir ; Charles VII, complètement dépossédé, quoique sacré à Reims, s’en va, le joyeux compère, vivre somptueusement à Londres, comme le bon roi Jean son aïeul ; il oublie la royauté de France ; nous n’avons plus rien à craindre, et le siège archiépiscopal de Rouen est à moi. La question ainsi clairement posée, il s’agit de faire vitement rôtir la Jeanne, en d’autres termes, de la convaincre d’hérésie.

le chanoine loyseleur. — Tout est là…

l’évêque cauchon. — Tout, absolument… Et de nouveau exami-