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La rémunération dépassera toutes vos espérances, je vous le jure !… aussi vrai que l’archevêché de Rouen m’a été promis par le régent d’Angleterre si Jeanne était congruement brûlée !…

le chanoine loyseleur. — De quoi s’agit-il, monseigneur ?

l’évêque cauchon. — Avant de vous en instruire, et quoique je connaisse par expérience la pénétration de votre esprit, la subtilité de ses ressources, je dois brièvement, clairement, vous faire connaître la cause et le but du procès ecclésiastique que, dès demain, nous allons intenter à ladite Jeanne.

le chanoine loyseleur, impassible. — Je vous écoute attentivement monseigneur.

l’évêque cauchon. — Et d’abord, reprenons les choses en peu de mots et ab ovo… L’an passé, la France entière tombait au pouvoir des Anglais sans le secours apporté par la Pucelle à Charles VII ; et malgré ce prince, malgré La Trémouille, malgré les capitaines, cette diablesse a fait lever le siége d’Orléans, remporté d’autres victoires non moins éclatantes, finalement a fait sacrer son roi à Reims, résultat immense pour les populations, la consécration divine constituant à leurs yeux le droit et la puissance du souverain. Aussi, beaucoup de grandes villes, jusqu’alors aux mains des Anglais, ont ouvert leurs portes à Charles VII, lors de son retour de Reims ; partout le sentiment national s’est réveillé à la voix de la Pucelle, et la domination étrangère, acceptée depuis plus d’un demi-siècle, semble maintenant révoltante… Par contre, les prodigieux succès de Jeanne ont jeté la consternation, l’épouvante dans l’armée anglaise ; les choses en sont venues aujourd’hui à ce point, qu’à Londres le gouvernement a été obligé de promulguer deux édits dont voici les titres : (L’évêque prend des parchemins sur la table et lit.) « Édit contre les capitaines et les soldats qui refusent de passer en France par terreur des maléfices de la Pucelle[1]. — Édit contre les fugitifs de l’ar-

  1. Rymer., t. X, p. 459, ap. Quicherat.