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femme, vêtue de blanc, grand’mère du jeune garçon qui doit épouser votre fille.

» Et la noce a été célébrée ; Alain a épousé Linor ; Merlin a chanté le mariage. Il y a eu cent robes de laine blanche pour les prêtres, — cent colliers d’or pour les chevaliers, — cent manteaux bleus de fête pour les dames, — et huit cents braies neuves pour les pauvres gens.

» Et tout le monde s’en est allé content. — Alain est parti pour le pays de Léon avec sa femme, sa grand’-mère, et une suite nombreuse. — Mais Merlin a disparu ; Merlin encore une fois est perdu. — L’on ne sait ce qu’il est devenu ; — l’on ne sait quand reviendra Merlin !… »




Jeannette avait écouté Sybille avec une profonde attention, frappée surtout de ce fait singulier : un paysan épousant la fille d’un roi ; dès lors, Jeannette s’excusait pour ainsi dire à ses propres yeux de penser si souvent, depuis la veille, à son jeune sire, si doux, si beau, si brave, et si malheureux par la faute de sa méchante mère et la cruauté des Anglais. Aussi, après un moment de silence, la bergerette dit à Sybille :

— Oh ! marraine, la belle légende !… Elle me semblerait encore plus belle si le bon sire de Léon, ayant à combattre un ennemi autant cruel que les Anglais, Alain le paysan avait sauvé son roi avant de se marier avec sa fille… Et Merlin ?… l’on ne sait pas ce qu’il est devenu ?

— Non. L’on assure qu’il doit dormir mille ans et plus… Mais avant de s’endormir, il a prédit que le mal qu’une femme ferait à la Gaule serait réparé par une jeune fille… une jeune fille de ce pays-ci