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quent de cils, une fissure blafarde indique à peine ses lèvres au sourire hypocrite. C’est une face à la fois cafarde et patibulaire.

l’évêque pierre cauchon, se levant à demi, s’écrie vivement. — Quelles nouvelles ? quelles nouvelles ?…

le chanoine loyseleur. — Le messager envoyé par le capitaine Morris a laissé la Pucelle dans la prison de la maison forte de Bréville.

l’évêque cauchon. — Quelle est la mission de ce messager ?

le chanoine loyseleur. — Il est venu, d’après l’ordre du capitaine Morris, inviter le comte de Warvick à faire préparer le cachot de la vieille tour pour y recevoir Jeanne Darc ; elle doit arriver à Rouen, sous bonne escorte, demain matin au plus tard.

l’évêque cauchon. — Le capitaine Morris a-t-il exactement suivi mes instructions ?

le chanoine loyseleur. — De point en point, monseigneur. La captive voyage dans une litière fermée, les fers aux pieds et aux mains ; lorsque l’on a dû traverser une ville ou un village, on a bâillonné ladite Jeanne. Personne n’a pu approcher d’elle, les gardes de l’escorte ont dit à tout venant qu’ils conduisaient à Rouen une vieille et abominable sorcière qui égorgeait de petits enfants afin d’accomplir ses sanglants maléfices.

l’évêque cauchon, riant. — Et les bonnes gens de se signer en s’éloignant avec épouvante de la litière, comme si elle renfermait un pestiféré ?

le chanoine loyseleur. — Il en est arrivé généralement ainsi ; cependant, à Dieppe, l’exaspération publique contre la sorcière tueuse d’enfants est devenue si violente, que le peuple la voulait mettre en pièces…

l’évêque cauchon. — Les bélîtres ! Et que nous serait-il donc resté à nous autres ?

le chanoine loyseleur. — Sauf cet incident, le voyage s’est heureusement effectué ; personne ne s’est douté sur la route que la prisonnière fût Jeanne-la-Pucelle.