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et parfait, la grande barrière du champ de foire, aura pour épouse la fille du roi… »

— La fille du roi ! il serait vrai ! — répéta la bergerette émerveillée en joignant les mains et abandonnant sa quenouille ; — la fille du roi !

« — En entendant ces mots du crieur, — poursuivit Sybille, — le poulain noir d’Alain hennit à tue-tête, bondit, s’emporta, souffla du feu par les naseaux, jeta des éclairs par les yeux, dépassa tous les autres chevaux et franchit la barrière d’un bond.

» — Sire, — dit Alain au roi, — vous l’avez juré, votre fille Linor doit m’appartenir.

» — Elle n’appartiendra ni à toi ni à tes semblables… paysan !… »

— Le roi avait promis et juré, — s’écria Jeannette ; — il mentait donc à sa parole ? Oh ! ce n’est pas le gentil dauphin notre sire qui mentirait à sa promesse ! n’est-ce pas, marraine ?

Sybille secoua mélancoliquement la tête et poursuivit :

« — Un vieil homme qui était auprès du roi, un vieil homme qui avait une longue barbe, plus blanche que la laine sur le buisson de la lande, et une robe galonnée d’argent tout le long, parla tout bas au roi, qui, l’ayant écouté, frappa trois coups de son sceptre pour que tout le monde fît silence, et dit à Alain :

» — Si tu m’apportes la harpe de Merlin, qui, par quatre chaînes d’or, est suspendue au chevet de son lit ; oui, si tu parviens à détacher cette harpe et à me l’apporter, tu auras ma fille peut-être… »

— Et cette harpe, marraine, où était-elle ? — demanda la bergerette, de plus en plus intéressée. — Comment donc faire pour l’avoir ?

— Écoute, mon enfant :

« — Ma pauvre grand’mère, — dit Alain en revenant à