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— Oh ! marraine, dites-m’en une, s’il vous plaît ? J’aime tant les entendre, vos belles légendes… Souvent j’en rêve !

— Allons, sois satisfaite, mon enfant, je vais te dire la légende d’un paysan qui épouse la fille d’un roi de Bretagne.

— Serait-il possible !… un paysan épouser la fille d’un roi !

— Oui ; et cela, grâce à la harpe et à l’anneau de Merlin… Écoute…

Et Sybille dit à sa filleule la légende suivante d’une voix basse et lentement rhythmée :


la harpe de merlin le barde[1].


« — Ma pauvre grand’-mère, j’ai envie d’aller à la fête que donne le roi.

» — Non, Alain, vous n’irez pas à cette fête, non ; vous avez pleuré cette nuit en rêvant.

» — Ma pauvre petite mère, si vous m’aimez, vous me laisserez aller à la fête nouvelle.

» — Non ; en allant, vous chanterez ; en revenant, vous pleurerez.

» Alain, malgré sa grand’mère, est parti… »

— C’était mal à lui de désobéir, — dit Jeannette, écoutant, selon son habitude, avidement sa marraine ; — c’était mal à lui de désobéir à sa grand’mère !

Sybille baisa Jeannette au front et continua :

« Alain a équipé son poulain noir, — il l’a ferré d’acier poli, — il lui a attaché un anneau au cou, — un ruban à la queue, — et il est arrivé à la fête. — Comme il arrivait, les trompettes sonnaient, les crieurs criaient :

» — Celui qui franchira au galop, en un bond franc

  1. Chants populaires de la Bretagne. (Villemerqué, t. I, p. 249.)