à la disette, et de cette heureuse fortune les habitants glorifiaient Jeanne. Ce n’est pas tout, de nombreuses bandes rustiques, armées de leur mieux, fanatisées par les récits que l’on faisait de la Pucelle, entraient dans la cité du côté de la Sologne, offrant leur concours pour marcher contre les Anglais avec la milice urbaine. L’héroïne sentit, dès lors quel puissant contre-poids elle pouvait opposer au mauvais vouloir des capitaines ; elle résolut d’agir en conséquence, chargea Daulon, son écuyer, de convoquer pour l’heure de midi, chez maître Boucher, après la grand’messe, les chefs de guerre et les échevins, insistant beaucoup auprès de son hôte pour que nul de ces magistrats ne manquât au conseil ; puis voulant mettre la matinée à profit, elle pria Madeleine de lui procurer les habits de l’une des servantes de la maison et une mante à capuchon, quitta ses vêtements d’homme, reprit le costume de son sexe, s’encapa soigneusement afin de n’être pas reconnue dans la ville, gagna les bords de la Loire et prit un batelet, disant au batelier de traverser le fleuve pour aborder à une assez grande distance de la bastille de Saint-Jean-le-Blanc, située sur la rive opposée à celle où fumaient encore les débris de la redoute de Saint-Loup. Jeanne débarqua afin d’examiner, selon son habitude, les retranchements qu’elle se proposait d’assaillir. Non loin de la bastille de Saint-Jean-le-Blanc s’élevait le couvent des Augustins, bâtiments massifs puissamment fortifiés. Au delà, les Tournelles, véritable citadelle flanquée de hautes tours de charpente, étendaient leur front du côté de la Beauce et de la Touraine, en face du pont d’Orléans, depuis longtemps coupé par l’ennemi. Une autre formidable redoute, celle de Saint-Privé, située à gauche, non loin des Tournelles, complétait les ouvrages de siége des Anglais au midi de la ville. La guerrière se proposait d’enlever successivement ces quatre positions redoutables, après quoi les Anglais devraient abandonner la place, les autres bastilles de peu d’importance qu’ils occupaient à l’ouest de la ville étant hors d’état de résister après la destruction de leurs principaux travaux de siége. Jeanne observa
Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 9.djvu/149
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.