des soldats, son absence au moment du danger pouvant s’attribuer à un manque de courage ; Gaucourt, placé à la porte de Bourgogne à la tête des compagnies de réserve, vit donc avec autant de surprise que de colère accourir Jeanne au grand galop, revêtue de sa blanche armure, son blanc étendard à la main. Elle passa devant le traître comme une apparition, et disparut bientôt à ses yeux dans un nuage de poussière soulevé par l’allure rapide de son cheval, qu’elle poussait à toute bride sur la route de Sologne, entendant avec désespoir les détonations d’artillerie devenir de plus en plus fréquentes ; à mesure qu’elle s’approchait du lieu du combat, les cris des soldats, le choc des armes, les formidables rumeurs de la bataille, arrivaient distinctement à l’oreille de la guerrière. Enfin elle aperçoit la bastille de Saint Loup, coupant la route de Sologne, dominant la rive de la Loire, et élevée au pied d’une antique église puissamment fortifiée ; cette église formait une seconde redoute au milieu de la première, dont les parapets étaient en ce moment à demi voilés par la fumée des bombardes. Leur feu redoublait, les derniers rangs des Français descendaient, par une pente presque à pic, dans un fossé profond, première défense du retranchement, lorsque Jeanne, abandonnant son cheval ruisselant de sueur, courut, sa bannière à la main, se joindre aux combattants ; soudain ceux-ci, au lieu de continuer à descendre le talus, font volte-face, le gravissent en désordre, s’écriant :
— La bastille est imprenable !
— Les Anglais sont endiablés !
— La Pucelle n’est plus avec nous !
— Dieu nous abandonne !
Les capitaines avaient espéré profiter de l’enthousiasme inspiré par l’héroïne pour conduire sans elle les troupes à l’assaut, leur promettant qu’elle viendrait bientôt les guider. Confiants dans cette promesse, le premier élan des assaillants, composés en majorité de miliciens d’Orléans, bourgeois et artisans, fut valeureux ; mais les