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— Nous vous écharperons, truands ! pourceaux d’Angleterre ! — Jeanne vous boutera hors d’ici, goddons que vous êtes !

Quelques balistiers même, dans leur exaspération, oubliant la trève, firent jouer leurs machines de guerre, chargées de traits ; l’ennemi répondit à cette agression par une volée de flèches. La vierge guerrière, insoucieuse du danger, ne bougea du parapet, semblant défier la mort d’un regard serein ; deux hommes furent blessés à ses côtés, le hasard l’épargna. Les miliciens, la couvrant de leurs corps, la forcèrent de descendre du parapet, la suppliant de ménager ses jours pour le grand assaut du lundi ; tandis que la plupart des Anglais, attribuant à une cause surnaturelle le hasard qui venait de protéger la Pucelle contre une décharge meurtrière, se persuadèrent de plus en plus qu’elle était sorcière, et éprouvèrent un redoublement de crainte superstitieuse.


journée du dimanche 1er mai 1429.


Jeanne, n’ayant pu vaincre le mauvais vouloir des capitaines, qu’elle ne soupçonnait pas encore, et les déterminer à attaquer le dimanche matin les retranchements, s’en alla au point du jour examiner de nouveau les positions de l’ennemi en compagnie de maître Jean le coulevrinier ; elle l’affectionna bientôt singulièrement ; plus tard, il l’accompagna dans presque toutes ses autres batailles, chargé par elle du commandement de l’artillerie. Le canonnier devait à sa longue expérience du siége d’Orléans des connaissances approfondies en ce qui touche l’attaque et la défense des places fortes ; Jeanne, douée d’un esprit incroyablement pénétrant en ce qui touchait les choses de la guerre, tira en peu de temps grand profit du savoir pratique de maître Jean. De retour de son excursion matinale, la Pucelle se rendit à la cathédrale de Sainte-Croix, elle y entendit la messe et communia, au milieu d’un immense concours de peuple, frappé de sa modestie et de sa piété. À son retour chez