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siégeants répondirent par un signal pareil qu’ils acceptaient momentanément une suspension d’armes, plusieurs d’entre eux parurent aux embrasures de leur bastille, ignorant encore le voisinage de Jeanne. Elle prit une grosse flèche appelée carreau dans l’une des trousses suspendues à chaque baliste, fit pénétrer le fer du trait à travers le parchemin sur lequel était écrite la missive apportée par elle dans sa pochette, et l’ayant ainsi assujettie, elle remit la flèche à l’un des balistiers, le priant de la lancer dans les Tournelles, au moyen de la machine de guerre ; puis, montant debout et bien en vue sur le parapet, Jeanne cria aux Anglais :

— Écartez-vous, afin de n’être pas blessés par la flèche où est attachée la lettre que moi, Jeanne, je vous écris. Lisez… c’est du nouveau[1].

La baliste joua, le trait siffla et porta dans le retranchement ennemi la missive de Jeanne, ainsi conçue :

« Vous tous, gens d’Angleterre, qui n’avez aucun droit sur le royaume de France, moi, Jeanne, je vous mande ceci, de par Dieu : Abandonnez vos bastilles et retournez dans votre pays, sinon je vous ferai un tel dommage, que vous vous en souviendrez éternellement. Voici la seconde fois que je vous écris… c’est assez…

» Jeanne[2]. »...............................

Les soldats anglais, instruits par leurs espions de l’enthousiasme incroyable et menaçant excité dans Orléans par l’arrivée de la Pucelle, commençaient à la croire non point inspirée de Dieu, mais du diable ; déjà leurs chefs ne combattaient pas sans efforts cette dangereuse superstition. Aussi, apprenant par sa missive que la Pucelle se trouvait si près d’eux, les plus timides pâlirent, les autres poussèrent des imprécations furieuses. L’un de ces forcenés, capitaine anglais de grand renom, appelé Gladescal, homme d’une taille colossale, tenait encore à la main la lettre de la Pucelle, il lui montrait le poing en écumant de rage.


  1. Procès de rév., t. III, p. 408 et 409.
  2. Ibid.